Changer la banque de votre entreprise : pourquoi, et quelle banque choisir ?
Une des actions les mieux valorisées dans le BIA est le choix de la banque de votre entreprise.
Choisir une banque “éthique” peut valoir jusqu’à 2 points. Peu de questions sont si généreusement pondérées dans le BIA.
Pourquoi BCorp donne-t-il tant d’importance aux organismes bancaires ? Et sur quels critères une banque peut-elle être jugée “éthique”, et être ainsi valorisée dans votre BIA ?
Votre épargne double votre empreinte carbone.
Mélissa a une empreinte carbone de 6 tonnes par an… et 10 000€ sur un compte à la Société Générale.
Quelle est son empreinte carbone totale ?
Selon Oxfam, chaque millier d’euros sur un compte en banque peut (indirectement) produire jusqu’à 0,65 tonnes de CO2 par an.
C’est à dire que même si pendant un an, vous vivez dans une cabane dans la forêt en vous nourrissant de pissenlits, avec 16 000€ d’épargne carbonée, vous aurez émis 10 tonnes de CO2. (1)
Comment ? Pour le savoir, il faut comprendre comment les banques financent les investissements – et notamment dans les énergies fossiles.
Quand une banque prête de l’argent, il ne s’agit pas réellement de sommes qu’elle a dans ses coffres. Les banques sont habilitées à “créer” de l’argent, pour le prêter. En réalité, c’est juste une ligne à ajouter dans un tableau.
Mais attention: il y a des limites à respecter pour maintenir l’équilibre en cas de défaut de remboursement. Une banque doit avoir les fonds pour financer au moins 8% de ce qu’elle prête.
Ces fonds, c’est l’argent que vous lui avez confié.
Donc si vous avez épargné, par exemple, 1€ à la BNP Paribas, cette dernière peut prêter, grâce à votre épargne, 12,5€ pour un projet d’extraction de gaz de schiste. (Par exemple).
Imaginez maintenant ce que cela donne à l’échelle d’une entreprise, avec une trésorerie plus conséquente, des plans d’épargnes proposés à tous ses salariés, et des flux financiers abondants.
Heureusement, toutes les banques ne financent pas les énergies fossiles. Certaines choisissent spécifiquement des projets vertueux, comme les énergies renouvelables, ou d’investir dans l’économie locale et circulaire.
Comment B Corp distingue-t-il les “bonnes” banques des autres?
La question que pose le BIA est la suivante : Quelles caractéristiques s’appliquent à l’institution financière qui fournit la majorité des services bancaires à votre entreprise ?
Plusieurs réponses sont alors possibles :
“Certifiée CDFI ou d’un organisme national équivalent d’investissement social” – 2 points
“CDFI”, c’est l’acronyme de “Community Development Financial Institution”. Il s’agit d’un label américain accordé aux banques dont la mission est, notamment, de garantir l’accès au financement pour les ménages et les petites entreprises locales.
En Europe, cela s’apparente à la FEBEA (Fédération Européenne des Banques Éthiques et Alternatives), dont font partie la Nef et le Crédit Coopératif. (2)
“Une entreprise certifiée B Corporation” – 2 points
A ce jour, il n’y a qu’une banque française certifiée BCorp : la Caisse d’Epargne Normandie.
“Membre de Global Alliance For Banking Values” – 2 points
Il s’agit d’un réseau indépendant de banques et de coopératives bancaires ayant pour mission commune d’utiliser la finance pour assurer un développement économique, social et environnemental durable. Le Crédit Coopératif était la seule banque française à en faire partie, mais l’a quittée récemment.
“Une banque coopérative ou une coopérative de crédit” – 2 points
Les banques coopératives, ou mutualistes, sortent du lot parce que leurs clients détiennent le capital et le contrôle de la société. Ils profitent ainsi des bénéfices, et ont également des droits de vote.
Ce type de gouvernance est souvent associé à des investissements plutôt vertueux de la part de la banque… Mais pas toujours. Car dans les banques coopératives françaises, on compte certes, la Nef et le Crédit Coopératif, qui n’investissent plus dans les énergies fossiles et qui ont une réelle ambition de développement local… Mais on trouve aussi d’autres banques très mal notées dans le classement d’Oxfam en fonction de leur critère “changement climatique”(3) :
- Les caisses régionales du Crédit Agricole (2,6/10)
- La Caisse d’Epargne et la Banque Populaire (2,4/10, note globale du groupe BPCE)
- Le Crédit Mutuel (1,9/10)
Une banque locale engagée au service de la collectivité – 1 point
Il faut ici prouver que votre banque agit, par exemple, avec les entreprises publiques locales, pour l’accès au logement pour tous, ou avec la collectivité dans des projets de rénovation énergétique, d’énergies renouvelables, de mobilité verte…
Par exemple, le Crédit Coopératif (4) le fait, la Caisse d’Epargne (5) aussi, ainsi que la Nef (6).
Une banque indépendante privée – 1 point
C’est un point facile – car contrairement aux Etat-Unis, la plupart des banques françaises sont privées (7). (CIC, Crédit Agricole, BNP Paribas, Banque Postale, Société Générale…).
Pourquoi le BIA donne-t-il un point à des banques comme la BNP qui, pour rappel, a été mise en demeure pour manquement à son devoir de vigilance en matière climatique? (8)
Le plus probable est qu’il s’agisse ici d’un problème de transposition du BIA, initialement conçu pour des entreprises américaines (c’est rare, mais ça arrive) (9).
Conclusion : quelle banque choisir ?
Changer de banque n’est pas un “quick-win”. C’est une démarche lourde et fastidieuse, mais qui peut être très impactante selon votre choix. C’est pour cela que le BIA valorise autant cette action.
D’ailleurs, dans le BIA, cette question est intégrée dans la section “Collectivités”, et non “Environnement”. Normal : BCorp évalue surtout l’impact qu’a votre banque sur l’économie locale plutôt que sur le réchauffement climatique. Cela explique pourquoi, par exemple, le Crédit Mutuel peut vous apporter 2 points, malgré ses investissements très carbonés : il coche la case « banque coopérative ».)
Cela dit, notons que le BIA évolue régulièrement, et il est possible que ce critère des investissements décarbonés de votre banque entre un jour en compte.
Verdict : deux banques sortent alors du lot :
- la Nef (évaluée 10/10 dans le rapport d’Oxfam)
- le Crédit Coopératif (7,4/10)
La Nef est un peu mieux notée car elle publie chaque année les émissions de gaz à effet de serre générées par les projets des entreprises qu’elle finance.
La Nef et le Crédit coopératif cochent plusieurs cases de la finance « éthique » :
- elles sont membres de la FEBEA
- elles sont coopératives
- et elles sont engagées au service de la collectivité.
Et en bonus : ces deux banques ont complètement arrêté de financer les énergies fossiles.
Références :
1 https://www.oxfamfrance.org/climat-et-energie/calculez-lempreinte-carbone-de-votre-compte-bancaire/
2 https://febea.org/members/
3 https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2019/06/NotationBanquesF_climat_5juin2019.pdf
4 https://www.credit-cooperatif.coop/secteur-public-logement-social/banque-developpement-local-durable/
5 https://www.caisse-epargne.fr/votre-banque/nos-engagements/qui-sommes-nous/
6 https://www.lanef.com/qui-sommes-nous/
7 https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_banques_priv%C3%A9es
8 https://bonpote.com/historique-bnp-paribas-mis-en-demeure/
9 https://www.economie.gouv.fr/facileco/reperes-sur-quelques-systemes-bancaires-a-letranger#